Entre “reboots” et préquels, est-ce la fin des fins ?


Avant, la fin d’une série était un moment crucial. Tout le monde avait son mot à dire. Et le silence se faisait.
Et puis il y a eu le reboot de Battlestar Galactica, ceux de Fullmetal Alchemist. Brotherhood ou de And Just Like That (le reboot de Sex and the City)…
Alors à l’ère des “suites et des adaptations à n’en plus finir, la manière de conclure une intrigue a-t-elle toujours une quelconque importance ?” se demande le quotidien australien The Sydney Morning Herald.
“En 2013, Dexter s’étaitachevé sur l’une des pires finsde l’histoire des séries.Après une huitième saisonsans grand intérêt,son antihéros semblaitmourir dans une tempête.Mais dans un ultimerebondissement,on découvrait finalementqu’il était bien vivant,retranché quelque partdans les bois.”
Le quotidien australien The Sydney Morning Herald

Huit ans plus tard, Dexter. New Blood s’achevait encore (semblait-il) sur la mort du personnage éponyme, assassiné par son propre fils d’une balle dans le cœur.
Mais finalement, surprise : Dexter n’était pas mort-mort, juste grièvement blessé.
Si bien que le voilà reparti pour un nouveau reboot. “Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi toujours repousser le dernier épisode ?” interroge le site américain Vulture.
“Il n’y a passi longtemps encore,le dernier épisoded’une série étaitsa pièce maîtresse.Il venait mettreun point final à unelongue aventure deplusieurs saisons.Il provoquaitde nombreux débats– parfois houleux –entre fans, qui sedéchiraient pour savoirsi cet ultime voletavait ‘conclu la sérieen beauté’ ou était toutbonnement ‘pourri’.”
Le site américain Vulture
“Autrefois, les séries devaient se conclure sur une note susceptible de satisfaire le plus grand nombre, sous peine d’être qualifiées de terriblement décevantes (Lost), incompréhensibles (Battlestar Galactica), absurdes et prétentieuses (Les Soprano), ou carrément de rompre avec l’esprit de tout le reste de l’intrigue (Seinfeld)”, tacle Vulture.
Mais le Sydney Morning Herald prévient : “Avec la multiplication des adaptations (des reboots de Scrubs, Malcolm et Friday Night Lights sont actuellement en préparation), les producteurs risquent de saper l’effet cathartique et la puissance narrative des vraies bonnes fins de séries.”
“Aujourd’hui, les scénaristesont toujours la possibilitéde rattraper le coupavec une suite quelquesannées plus tard,sans s’attardersur les errementsdu dernier épisode.”
Le quotidien australien The Sydney Morning Herald

Vulture identifie deux causes principales à la fin des fins. Le premier, “l’extrême fragmentation du secteur des séries”. Une atomisation généralisée avec le développement des plateformes de streaming.
Conséquence : “Nous ne regardons plus tous les mêmes séries au même moment, au fur et à mesure des sorties, comme avant. Et les spectateurs ne sont plus suffisamment nombreux pour créer de véritables phénomènes de société autour d’un programme.”
Ensuite, toujours selon Vulture, “la manière de raconter des histoires à la télé a changé, si bien que la force et la qualité d’un dernier épisode sont moins essentielles aujourd’hui”.
“Les séries se concentrent de plus en plus sur la construction des univers et la psychologie des personnages. Tout ne dépend plus du sort réservé au héros dans le dernier épisode – se fera-t-il tuer ou attraper ? La construction des intrigues a donc évolué en conséquence, et le sacro-saint cliffhanger de fin d’épisode a disparu”, abondait le site américain en 2017.
“Alors que les plateformes cherchent par tous les moyens à ressusciter les séries les plus plébiscitées de ces dernières années pour jouer sur la nostalgie des spectateurs et miser sur des valeurs sûres, les scénaristes risquent de faire de plus en plus souvent appel au ressort du rêve pour [effacer la conclusion de l’œuvre originale] et justifier la réalisation d’une suite”, renchérit le Sydney Morning Herald.

La bonne nouvelle, c’est que si vous n’aimez pas les adieux, vous n’aurez pas à en faire : il y a toujours une chance que vos personnages préférés renaissent de leurs cendres.—
Courrier International